Pour gagner du temps et du confort, nous avons opté pour l’avion afin de rejoindre Bagan, cependant malgré nos précautions, nous réaliserons plus tard que l’entreprise « privée KBZ » était finalement une immense holding ayant sûrement des liens directs avec le gouvernement. Car, le but de ce voyage comme vous le comprendrez est de visiter le pays, d’en comprendre le fonctionnement mais d’éviter au maximum de donner son argent à la junte qui dépouille suffisamment le pays, vous le découvrirez au fil de notre récit, malheureusement…
A l’arrivée, nous avons été surpris par une nature aride quasi désertique avec seulement quelques cactus et palmiers à sucre comme touche de verdure, une terre ocre, un territoire couverts de temples avec en fond d’écran le fleuve Irrawady et quelques montagnes. La vue d’ensemble est un émerveillement, imaginez une plaine d’environs 65 km² recouvert aujourd’hui de près de 4 000 temples principalement en briques rouges. Cet ensemble a été initié au 11ème siècle par le roi Anawratha, qui, après avoir unifié une partie du pays, introduisit le bouddhisme theravada comme religion officielle. Ainsi, pour donner corps à sa foi et créer un site à la hauteur du Bouddha, il lança une grande campagne de constructions bouddhiques, jamais imaginée jusque là. En 230 ans, plus de 6 000 temples furent construits, principalement en teck (d’où leur fragilité) et 11 rois se succédèrent. En 1287, c’est le déclin du cœur de la culture birmane avec l’envahissement par les mongols.
De nos jours, le site reste majestueux, un peu à l’image d’Angkor au Cambodge bien que le gouvernement ait pris la décision unilatérale de déplacer toute une population qui vivait sur place pour décréter la zone « archéologique nationale ». Par contre dans le détail de chaque temple, c’est un peu décevant car c’est très simple, voire épuré il ne reste que la construction en brique et pierre et de multiples bouddhas voire de rares peintures murales. Le principal intérêt repose sur les terrasses extérieures qui permettent de bénéficier d’un superbe point de vue en particulier lors du coucher du soleil, merveilleux et magique. Pour la visite, du fait de ma cheville, nous avons opté pour la location d’une calèche (très romantique non ?!) qui nous permis d’enchainer près d’une quinzaine de temples en une journée. Largement suffisant pour une première découverte de la culture birmane. A ce sujet, 2 précisions à faire, en Birmanie, il n’est d’art que religieux donc durant notre voyage, les points d’intérêt seront les temples, monastères et bouddhas qui doivent briller en hommage au Bouddha. D’autre part, les bouddhistes n’ont pas du tout la même notion du temps que les occidentaux, tous les monuments sont régulièrement rénovés avec les moyens du bord pour être toujours impeccables aux yeux du bouddha, quitte à gâcher l’original…
Au-delà du site de Bagan, nous en avons profité pour visiter le mont Popa, autre élément essentiel religieux national : croyance d’origine animiste, la culture des nats ou esprits est fortement populaire en Birmanie. D’ailleurs, le roi Anawratha au 11ème siècle, a même été obligé, devant la ferveur populaire, de l’intégrer à la religion officielle par un tour de passe passe consistant à introduire un 37ème nat, supérieur aux autres représentant bouddha. A l’origine, ces nats représentent des personnages historiques ou de légende qui ont soit péri de mort violente soit injuste. Petit à petit ces esprits sont devenus protecteurs, on en compte aujourd’hui officiellement 37 et chaque jour, les birmans leurs accordent des offrandes soit chez eux soit au pied d’un arbre sacré, soit sur des lieux de culte dédiés toujours aux couleurs rouge et blanches des nats. Il existe également des cérémonies quasi chamaniques où les birmans par des incantations cherchent à entrer en contact avec les esprits. Le mont Popa représente la résidence spirituelle des 37 nats. C’est un pic solitaire volcanique de 750 m se dressant au dessus de la vallée depuis plus de 250 000 ans. L’excursion fut très agréable, nous avons grippé le long des allées couvertes à la rencontre des différents temples dédiés aux nats, accompagnés de singes voleurs qui assurent la sécurité du site !
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Vue majestueuse de la plaine de Bagan |
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Nicoco s'essaie au thanakan, tradition locale |
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Un bouddha par les milliers que nous croiserons.... |
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le célèbre Mont Popa, site des Nats ou esprits |
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Rencontre avec les protecteurs du site du mont Popa... |
Nous avons ensuite rejoint Mandalay en bus pouvant ainsi apprécier la vie quotidienne des paysans, charrettes à bœufs, rizières irriguées et plaines ondulantes. La ville de Mandalay constituait pour nous une escale rapide, n’ayant pas été particulièrement enthousiasmés par ce que nous avions lu. Au final, en 24h chrono, nous avons fait les grands classiques et cela en usant de tous les transports possibles pour économiser ma cheville : trishaw (pousse pousse local), tuk tuk (moto fourgonnette à 3 roues), mobylettes et fourgonnettes collectives bondées ! Parmi les choses que nous retiendrons :
- Le spectacle des Moustache Brothers : la ville de Mandalay est aussi le cœur culturel de la Birmanie, résidence des célèbres dissidents « les Moustache Brothers ». Ces 3 frères sillonnaient alors le pays pour jouer des opéras populaires avec danses, musiques et farces et en profitaient pour dénoncer le gouvernement. Cependant, plusieurs d’entre eux allèrent en prison ou firent du travail forcé. Aujourd’hui, ils restent sur Mandalay, pour présenter un spectacle exclusivement aux touristes en anglais, mais quelle déception, aucun élément politique ni historique, simplement des danses traditionnelles et quelques notes d’humour acerbe très limitées. Un triste visage qui en dit long sur la dissidence locale, réduite à néant…
- Le temple « Paya Mahamuni » : la principale curiosité est un bouddha de 4m en bronze recouvert d’or. La tradition veut que les pèlerins fassent offrandes de feuilles d’or pour recouvrir le bouddha qui jouit aujourd’hui de près de 15 cm d’épaisseur d’or. Par contre, les femmes n’ont pas accès au bouddha, curiosité locale très isolée. Le travail de l’or est donc une spécialité locale, comme le commerce de jade. La Birmanie regorge de minerais précieux, qu’elle n’exploite que peu mais dont elle se fait piller, principalement par la Chine, sa grande sœur.
- Un beau pont sur pilotis : long de 1 200m et constitué de plus de 900 piliers de teck fait chacun d’une seule pièce, c’est le pont en teck le plus long du monde. Ce pont traverse un lac, permettant ainsi de connecter le village au reste de la ville. Mais au-delà du record, c’est un lieu de rencontre et de vie quotidenne, en particulier avec les moines, qui apprécie cette promenade pour méditer sachant que Mandalay est une ville d’enseignement monastique très active.
- De très beaux monastères en teck : la Birmanie regorge de monastères, cependant les structures traditionnellement en teck ont rarement été conservées. A Mandalay nous en avons visités de magnifiques aux ornements en teck sculpté, aux toitures carrées à étages dentelées reposant sur des centaines de piliers en teck massif. Magnifique et très fin. D’autant que les monastères constituent un havre de paix et de fraicheur pour le touriste abattu par la chaleur.
60% des moines du pays sont à Mandalay, nous profitons de l’occasion pour vous dire quelques mots sur cette culture monastique. En effet, difficile de voyager en Birmanie sans croiser régulièrement des moines qui se comptent au nombre de 500 000 sur le territoire, c’est la seule vraie institution civile du pays. La coutume impose à tout homme birman d’effectuer au moins 2 retraites dans sa vie d’au moins une semaine. Levés à 4h du matin, les moines passent l’essentiel de leur temps à prier et méditer. Concernant les repas, le matin, ils arpentent les rues avec leurs bols pour obtenir des offrandes de nourriture. Mais attention, ils ne mendient pas, ils offrent l’occasion à la population d’accomplir son acte de « dhana » et d’acquérir ainsi le mérite. Têtes rasées, la tenue traditionnelle est une robe rouge foncé pour les hommes et roses pour les femmes. Par contre, les femmes n’ont pas la possibilité de devenir un Bouddha et occupe une position subalterne, d’ailleurs sur certains sites religieux, elles n’ont pas le droit de pénétrer. Dernier élément intéressant, de nombreux enfants sont envoyés dans des monastères faute de moyens, car tout moine est nourri, logé et blanchi. Nous avons rencontré de nombreux moines et novices, les rencontres furent plus ou moins riches et sincères, car à mon goût, tous n’ont pas les mêmes convictions (rencontre avec un guide avide moine par exemple). Enfin pour revenir à Mandalay, sachez qu’en 2007 c’est depuis cette ville qu’est né l’élan de protestation mené par des moines, contre le gouvernement du fait de la hausse des prix. Ce mouvement a rassemblé près de 150 000 personnes dans les rues. Cependant le gouvernement a rapidement mis fin à cette rébellion et arrêté les principaux leaders.
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Rencontre de moines sur le plus long pont en teck du monde |
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Visage d'enfant au tanakhan !! |
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Arrêt sur images sur les "Moustache Brothers", célèbres dissidents |
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Magnifique monastère en teck |
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Vue d'ensemble de Mandalay |
Nous quittons maintenant la ville de Mandalay, sa chaleur accablante, son dense trafic, ses édifices modernes et sa forte présence chinoise… pour monter en altitude et rejoindre les territoires shan. Pour tout vous dire, nous repasserons plus tard sur Mandalay, en transit d’une après midi, mais la chaleur était telle que nous avons opté pour la piscine municipale, si c’est pas scandaleux pour des globe-trotters !
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