Nous avons quitté Hong Kong (et oui, il fallait bien à un moment, même si nous aurions souhaité prolongé un peu…) et rejoint la Chine, la vraie et en particulier la province du sud ouest frontalier avec la Birmanie, le Laos et le Vietnam, nommée le Yunnan. Un proverbe chinois dit « Celui qui vient du Yunnan, vient de la lune » car en effet, cette province est assez éloignée des grands cœurs économiques de la Chine même si depuis ces dernières années, le gouvernement chinois a décidé de s’atteler au développement des provinces de l’Ouest. En quelques mots, cette province représente ¾ de la France et les plus grandes variétés de climats, de paysages et de population de Chine (par exemple, on compte 25 ethnies présentes sur place sur les 56 officielles du pays). Justement en termes de populations, ce territoire s’est peuplé par vagues successives alors que ces régions étaient encore indépendantes et même aujourd’hui, par voie de conséquence, cette province conserve une forte identité culturelle malgré l’omniprésence de l’influence chinoise. Pour vous donner un petit échantillon, voici quelques unes des tenues traditionnelles rencontrées au détour de notre route…ce fut en effet, un feu d’artifice de couleurs.
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Tenues de l'éthnie Naxi 1 |
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Tenue de l'ethnie Naxi 2 |
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Tenues de l'éthnie Mosuo |
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Jeune fille Mosuo |
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Tenue de travail Naxi, la casquette obligatoire |
Au cours de ce voyage, nous avons fait 3 haltes successives, à Kunming puis à Lijiang et enfin au lac Lugu. Avant de partager avec vous, quelques souvenirs de ces haltes, permettez-nous de tracer quelques caractéristiques communes :
Les villes modernes chinoises : c’est peut-être ce qui nous a le plus choqué à travers cette première partie de voyage, les villes modernes poussent comme des champignons, au milieu de nulle part et toujours avec d’énormes buildings qui rivalisent de hauteur et de modernité avec de grands axes de communication et bien entendu toutes sortes d’enseignes de consommation. Cela donne l’impression de villes en chantier permanent et l’on se demande à quoi tout cela va servir, sûrement au détriment d’anciennes maisons traditionnelles, c’est un peu dommage mais le chinois semble raffoler de la modernité et de la société de consommation dans laquelle il vit car tout un chacun semble en mesure de consommer, nous sommes dans un pays en plein boom économique et qui a déjà atteint un certain seuil de développement, rien à voir avec l’Inde par exemple.
Les infrastructures : dans la même logique des villes, les chinois impressionnent par les travaux de génie civil pharaoniques qu’ils entreprennent. C’est un peu le « massacre à la pelleteuse », il y a des projets de route, de mines, de barrages, d’usines, de ponts….un peu partout, au point de se demander combien de personnes œuvrent dans les BTP en Chine (nous menons l’enquête). Alors bien entendu, tout cela est au profit du développement économique, afin de gagner du temps, une autosuffisance énergétique… mais ça dénature tellement leurs campagnes… car ils ne prennent pas beaucoup de précaution, où le besoin est, ils creusent, cassent… Par contre, petit message pour mon gd père maternel, ils ont des gros besoins de sable du fait de ces constructions, il y a un marché et quant aux opposants environnementaux, ils ne sont pas encore nées dans ce pays !
Le tourisme national : ça a été une grande découverte, nous nous attendions à ce que les Chinois, grands travailleurs, n’est que 15 jours de vacances fixées alors que nous nous sommes rendus compte, que c’était en effet la règle mais que certains (et certains sur 1,4 milliards, ça fait des millions !), avaient 4/5 semaines au total et en profitaient ainsi pour voyager. Du coup, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir ce qu’était le « tourisme de masse chinois », tous les sites sont pris d’assaut par des cars entiers de chinois. Je vous laisse imaginer…
L’Anglais et les Chinois : nous avions été prévenus, le Chinois ne parle en effet pas Anglais (ou du moins c’est très rare), du coup, nous avons les plus grandes difficultés à nous faire comprendre. Heureusement, nous nous sommes munis de ce que l’on appelle un « dictionnaire de conversation », afin de pouvoir montrer aux chinois en chinois ce que l’on cherche ou veut. Ce n’est pas très pratique et rapide mais impossible de faire autrement. Enfin, je vous rassure, nous connaissons de grands moments de solitude, régulièrement au restaurant par exemple quand tout est en chinois. Cependant, ils ne sont pas désagréables, juste autant démunis que nous devant un langage qu’ils ne saisissent pas.
Une anecdote, les toilettes : je sais, ce n’est pas très glamour, mais c’est tellement incroyable que nous sommes obligés de vous faire un peu descriptif de ce qui se passe dans les toilettes publics chinois. Pour résumer, c’est un moment collectif de partage. Plus concrètement, au mieux vous avez des toilettes privées dégueulasses sans porte, et au pire vous avez 2 trous, soit un toilette collectif à partager avec les inconnus, je vous laisse imaginer combien c’est agréable d’être accroupie cote à cote avec une inconnue, à se regarder dans le blanc des yeux, attendant que nous ayons fini nos affaires pour pouvoir sortir. Ah, ça permet de faire connaissance et de tisser des liens, mais c’est un brin surprenant. Sinon, le scénario intermédiaire, ce sont des petits espaces séparés par des cloisons de 1m avec une rigole qui traverse le tout et récupère le tout.
Ces grands thèmes abordés, revenons sur notre itinéraire au Yunnan….
Kunming : voici notre première étape chinoise, Kunming nommée « la cité de l’éternel printemps » en raison de la douceur de son climat. C’est une grande ville moderne en chantier, de 4,6 millions d’habitants, où les vieux quartiers typiques laissent petit à petit la place à de nombreuses tours de verre, gratte-ciels et grues. A la lecture de cette description, je suis sûre que ça ne vous attire pas, et pourtant, il faut passer au-delà de la « traditionnelle ville moderne chinoise » et aller prendre la température de cette ville bien agréable. Nous avons d’abord été surpris par le calme de cette ville et pour cause, tous les scooters sont électriques (Nicoco était comme un fou et en même temps révolté contre la France, car nous sommes en retard dans ce domaine, enjeux économiques sûrement) et la ville ne semble pas polluée, un vrai plaisir. Autre bonne surprise, leurs auberges de jeunesse, nous avons été bluffés par la qualité de la prestation, propre, confortable, calme, eau chaude, mobilier neuf, une des chambres les plus luxueuses de ce voyage (sans compter les bonus avec les parents Garlenq. Merci à eux ! ).
L’installation faite, nous sommes allés nous perdre dans cette ville en visitant les derniers quartiers traditionnels avec leurs marchés aux fleurs et aux oiseaux, leurs parcs où les chinois s’adonnent à toutes sortes de danses et divertissements et en particulier aux jeux : c’est une vrai folie et un proverbe dit « injouable n’est pas chinois ». En effet, tous âges, toutes conditions sociales, toutes heures de la journée, ils jouent frénétiquement aux échecs, dés, cartes, dominos, billard, majong (un genre de rami), loterie, courses… avec mises financières ou simplement pour le plaisir. Autre découverte, dans les rues commerçantes cette fois, nous avons visité un « Carrefour » à la chinoise, et bien ça ressemble plus à un « Tati » voire à un « la Foirefouille » française, mais comble du lieu, la musique d’ambiance était française et nous avons erré dans les rayons au son d’Edith Piaf, incroyable non ? Après une dure journée de marche, nous avons fait l’expérience de 2 spécialités locales : d’une part un massage, mais pas n’importe lequel, fait par un masseur aveugle sur les trottoirs des rues, un massage énergique et méthodique sous les yeux des passants. Agréable mais juste un peu compliqué pour se comprendre car si en plus, on ne peut pas montrer le guide de conversation ou mimer…. Autre spécialité locale « la soupe aux nouilles qui traversent le pont », c’est un bouillon de poulet bouillant avec une couche fine d’huile dans lequel on plonge les ingrédients à cuire dont les pates de riz. Et pour la petite histoire, concernant l’origine du nom, ce serait une épouse qui avait trouvé cette combine pour que son mari mange chaud, lorsqu’elle lui apportait la nourriture sur son lieu de travail après un long pont, au cours duquel les plats refroidissaient. Ah ces femmes !!!
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Gymnastique rythmique au parc |
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Exemple de maisons traditionnelles |
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Exemple d'une rue commerçante traditionnelle |
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Et une pagode chinoise ! |
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La nouvelle ville avec un intrus : le Carrefour local ! |
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Un exposant au marché des oiseaux |
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Partie de cartes endiablée |
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Portrait d'une experte en dominos |
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Partie de dames |
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Massage à l'aveugle ! |
Le lendemain nous sommes partis visiter la forêt de pierres de Shilin à 100km de Kunming : c’est un ensemble de pitons rocheux karstiques aux formes gracieuses en calcaire gris au milieu de la masse verte des bois et des champs. Il y a 270 millions d’années, la mer recouvrait le Yunnan puis après son retrait, ce fut au tour de l’infiltration de la pluie et de l’érosion des vents de finaliser ce cirque de près de 26 000 hectares. De notre côté, la journée a commencé par « beaucoup d’appréhensions », car une fois sur place, nous nous sommes crus à l’entrée d’un parc d’attractions avec des dizaines de cars de chinois. Et c’est là que nous avons découvert le poteau rose, la grande masse de touristes, n’est pas étrangère, mais bien chinoise, et ils sont partout et tout le temps ! Alors notre grand jeu a été de jouer à cache-cache avec eux et de nous perdre dans ce labyrinthe de pierres et étant donné la grandeur du site, nous avons réussi (car un élément est primordial à savoir, le chinois est pressé et fainéant), et passé une superbe journée de balades dans les sentiers très bien aménagés au milieu des pitons rocheux. Une chouette journée finalement !
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Exemple de l'envahissement des sites touristiques |
Lijiang : nous avons pris le cap vers le Nord pour 8h de bus de jour (et oui, dernier mois oblige, nous la prenons plus cool, fini les bus de nuit qui laissent des traces de fatigue), direction la ville de Lijiang située à 2 400 m d’altitude. Nous entrons dans le pays des Naxi, ethnie venue du Tibet, mi-animiste mi-chamaniste et cette rencontre sera un vrai enchantement : d’abord pour les yeux, leurs petits villages sont de petits bijoux avec des maisons traditionnelles de toute beauté ; puis pour les papilles avec une nourriture très saine à base de légumes, pates, dumpings (genre de tapas chinois), et viande séchée (de façon générale, les chinois utilisent beaucoup ce moyen de conservation) un vrai régal !
Alors vous vous en doutez, ce lieu est très touristique, mais la vieille ville est de toute beauté avec son labyrinthe de ruelles tortueuses bordées de vieilles maisons basses en bois rouge, de nombreux petits canaux avec ses passerelles et ponts en pierre. C’est un petit Venise plein de charme et de caractère malgré l’affluence touristique. Et la beauté ne s’arrête pas aux portes de la ville, posée sur un haut plateau entouré de montagnes, nous avons découvert un paysage de toute beauté, à bord de nos vélos, quel bonheur de faire un peu de sport de plein air sur les routes de campagne chinoise, la preuve en images :
Nous sommes ensuite partis une journée en excursion découvrir les gorges les plus profondes de Chine, les gorges du Saut du Tigre (car pour la petite histoire, un tigre aurait sauté à travers les gorges, à l’endroit le plus étroit 30 m, pour éviter un chasseur). Pour vous décrire le site, imaginez l’un des fleuves les plus importants et sacrés de Chine, le Yangzi « le fleuve au sable d’or », venu des hauteurs du Tibet, qui traverse des gorges spectaculaires avec par endroits des dénivelés de 5 000 m (incroyable, mais difficile de mesurer !) sur une trentaine de km. Le site est de toute beauté, impressionnant en particulier quand l’on descend au pied du fleuve, aux niveaux des rapides, le déchainement semble tout puissant et lorsque l’on lève la tête, les pics rocheux à plus de 5 000 m vous écrasent. Par contre, à l’image du barrage des trois gorges qui a fait grand bruit jusqu’en France (du fait de son incidence sur les populations à déplacer), un nouveau projet de barrage est en cours dans cette vallée et prévoit d’inonder le fleuve sur 200 km en amont et aval, déplaçant 100 000 personnes et noyant les gorges pour répondre aux besoins en électricité de la Chine. Ils sont incroyables ces chinois, au nom du développement…
Le lac Lugu : Dernière étape dans le Yunnan, le lac Lugu. Alors il faut le mériter, nous voilà repartis pour 8h de bus, le long d’une route magnifique mais un peu chaotique, remarque maintenant, comme vous pouvez vous en doutez nous sommes rodés… Ce lac se situe à 2 690 m d’altitude et fait office de frontière entre les régions du Sichuan et du Yunnan. Cerné par les montagnes et donc un peu coupé du monde, c’est une étape pour nous, un peu loin de la foule touristique chinoise, et a priori assez nature. Nous ne serons pas déçus…seule ombre à ces quelques jours bien sympathiques, le temps changeant et en particulier les orages inopinés qui nous rendirent visite tous les jours.
Cela dès l’arrivée, pour rejoindre notre hôtel, nous avons eu la mauvaise idée d’opter pour la traversée du lac en pirogue, sur le papier bien romantique et magnifique mais en pratique, nous avons pris un gros orage, le capitaine voulait rebrousser chemin. Alors vous me direz une bonne douche ça n’a jamais fait de mal à personne, mais c’était plutôt pour les affaires et en particulier ordinateur, appareil photo… mais finalement, équipés comme nous étions, tout ce beau petit monde a survécu, vous ne croyez tout de même pas que la pluie nous fait peur depuis 6 mois maintenant que nous sommes sur les routes ?!!
Nous avons passé 2 jours très agréables, plutôt sport nature : 1er jour, nous enfourchons un tandem (une première nous concernant) et en avant à la découverte du lac, tout s’est bien passé, environ 30km parcourus (et attention aux moqueurs, il n’y a pas de vitesse et c’est lourd un tandem !!), si ce n’est la rencontre avec un énorme orage de pluie et de grêle ! Mais c’est ce genre d’expérience qui forge notre couple non ? Rien de tel pour se disputer : un tandem, un orage et la fatigue !!! Mais promis au final, nous ne nous sommes pas tapés dessus et sommes rentrés bras dessus bras dessous ! Le 2ème jour, nous avons pris nos petites jambes pour une petite randonnée afin de tester un peu les articulations de Nicoco mais aussi de ramasser des champignons (des spécimens inconnus au bataillon) et pour se baigner. Une bonne journée où l’on se serait un peu cru à la maison avec une végétation un peu méditerranéenne, l’eau et les grillons (ils n’ont tout de même pas des cigales)….Nous avons pu également aller à la rencontre des habitants, vivant en autosuffisance entre leurs cultures, leur bétail et la pêche.
Quel bonheur d’être un peu loin du monde et surtout à la nature, et puis ce lac était de toute beauté, ses eaux cristallines, l’atmosphère paisible, quelques jours reposants. Au-delà du paysage, les habitants de l’ethnie Mosuo, aux allures tibétaines (nous ne sommes pas loin), forment l’une des dernières sociétés matriarcales au monde : en quelques mots, la femme est la chef de famille gérant le budget et les activités productives d’une part, et d’autre part, cette ethnie ne reconnait pas le mariage mais pratique l’union libre. Alors on m’avait averti « Fais attention à ton Nicoco » (d’ailleurs pour la petite anecdote, il parait que notre président, lors d’une visite sur place, avait été demandé en mariage par une femme Mosuo).
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Temps depuis notre pirogue, à l'arrivée, menaçant non ? |
Voilà donc cette page en Province du Yunnan qui se tourne, nous avons pris beaucoup de plaisir dans cette région, allant de bonnes surprises en bonnes surprises, abattant un à un nos préjugés chinois et séduits par la beauté de leurs patrimoines naturels, de leurs maisons et tenues traditionnelles et bluffés par leurs infrastructures de transport et d’accueil touristique. A voir pour la suite, cap maintenant vers la région du Sichuan, à la rencontre des pandas !!!