Comme convenu donc, nous voilà partis pour une semaine un peu intense à travers le Nord de l’Inde pour découvrir 3 villes, 3 religions, 3 facettes différentes de ce même pays :
Dharamsala : Notre première destination est la ville résidence du Dalaï-lama-lama, Dharamsala ou Mac Leod, ces deux petites villes se touchent et se confondent. L’arrivée n’a pas été très accueillante, après 10h de route de nuit assez inconfortable, nous sommes littéralement débarqués dehors manu militari, à 4h du matin et là, c’est toujours le même cérémonial : tel un trafic de drogue en cours, nous sommes abordés par des hommes qui sortent de nulle part, difficile à distingués dans la nuit, qui nous proposent non de la drogue mais des logements. Alors comment voulez-vous avoir les idées claires et l’à-propos nécessaire pour négocier dans ces conditions ? Nous prenons tout de même le temps de la réflexion, ce qu’ils détestent, et nous suivons le moins malhonnête, en apparence. Nous traversons alors la ville dans une obscurité totale, chargés comme des mules au milieu des détritus, des vaches et chiens avec toujours cette odeur prégnante des égouts. Rien de bien sympathique comme premier contact….
Cependant le lendemain, une fois reposés, nous découvrons une petite ville bien sympathique perchée sur la montagne aux immeubles colorés et avec beaucoup de petits commerces d’artisanat tibétain en particulier. Cette ville compte bien entendu bon nombre de réfugiés tibétains mais aussi des musulmans, venus du Cachemire tout proche (une région parait-il magnifique), et en quête à l’indépendance. Il y a plus de touristes que de moines qui arpentent les rues, et c’est un peu la déception, je m’attendais à une ville très très religieuse et préservée, finalement cette ambiance se cantonne dans le complexe où réside le Dalaï-lama. Les touristes eux, viennent et restent souvent quelques temps pour pratiquer ou apprendre le bouddhisme, la culture tibétaine ou toutes autres sortes de soins holistiques et alternatifs (médecines parallèles, yoga, méditation, massage…). C’est un des atouts de cette ville, beaucoup de choses sont proposées aux touristes. Nous concernant, Nicoco a fait l’expérience de la médecine traditionnelle tibétaine, nommé l’Amchi et nous repartons avec des bonbons en chocolat dont l’efficacité semble douteuse après quelques temps ; de mon côté, j’ai testé les massages ayurvédiques (ayurvédique = médecine traditionnelle indienne reposant sur l’usage de plantes et de traitements holistiques comme les massages), fort agréable si ce n’est que la masseuse me l’a joué « typique indienne » en rotant et évacuant des gaz gastriques durant la séance, moins agréable…Sinon nous avons visité les alentours tranquillement en préservant Nicoco, la région semble belle et reposante, le plus difficile était de capter les heures de soleil ou plutôt d’éviter les douches dues à la saison des pluies. Donc c’était un peu la même stratégie qu’à Ushuaia, dès qu’il y a une éclaircie, il faut foncer ; Par contre, toujours pister le ciel car la saucée peut arriver très vite, et là, malgré le poncho, c’est la douche complète assurée !
Vient ensuite le moment de découvrir le côté tibétain qui sommeille en cette ville : pour cela nous sommes allés visiter le complexe nommé Tsuglagkhang qui comprend des monastères, la résidence officielle du Dalaï-lama ainsi que le Musée du Tibet. Et là, on retrouve enfin l’atmosphère pieuse attendue avec ces moines en tenue rouge (d’ailleurs Nicoco a remis un bracelet orange à un moine bien sympathique), la ferveur de tibétains priant, le silence maintenu par tous à l’écoute de ces musiques envoutantes au son du gong. Par contre, on a eu beau chercher, impossible de mettre la main sur le Dalaï-lama en personne, nous sommes même allés squatter chez lui, faire la sérénade sous ses fenêtres, rien du tout, Monsieur est soi-disant trop occupé et la prochaine apparition se fera le 8 Aout, nous serons déjà partis… Alors petite déception, cependant, pour mieux comprendre le contexte de sa résidence et de ses occupations, permettez-nous de faire une petite digression :
Dalaï-lama signifie en tibétain « maitre spirituel de la sagesse », il est la réincarnation successive du bouddha historique. A la mort d’un Dalaï-lama, il s’engage une enquête poussée pour rechercher dans quel corps de jeune bouddhiste, le bouddha s’est réincarné pour nommer le nouveau Dalaï-lama. En terme de responsabilité, le Dalaï-lama est chef d'État et du gouvernement tibétain ainsi que maitre spirituel du bouddhisme de l’école tibétaine, mais il a aussi une reconnaissance globale au sein de la religion bouddhiste.
Une nonne en pleine prière, son chapelet aux 108 boules en main |
Des nonnes en pleine lecture |
En ce qui concerne l’histoire du Tibet, en quête de territoire et de ressources, la Chine a envahi ce pays indépendant en 1949 ce qui a contraint à la fuite près de 250 000 tibétains qui ont traversé à pied l’Himalaya pour se réfugier en inde. Le Dalaï-lama a été contraint à faire de même en 1960 en demandant l’asile à l’Inde et en installant le siège du gouvernement tibétain en exil à Dharamsala. Depuis le Tibet connait un pillage de ses ressources, une destruction massive de son patrimoine et une acculturation de ses habitants. Au total on compte 1,2 millions de tibétains tués et 90 % du patrimoine culturel détruit alors si vous avez connaissance d’une manifestation près de chez vous pour le « Tibet Libre », sans esprit révolutionnaire, c’est une cause vraiment très noble et justifiée à défendre et je vous invite à la soutenir tant ce peuple semble pacifiste, honnête et sans histoire… Pour la petite anecdote, nous avons vu un reportage sur un élan indépendantiste tibétain en 2008, la veille des Jeux Olympiques de Pékin. Au final, la Chine a réprimé durement et par la force ces manifestations en tuant près de 6 500 personnes, en emprisonnant d’autres et en détruisant des monastères, tant dis que des pays comme la France, condamnait le comportement de la Chine mais a finalement envoyé sa délégation d’athlètes, les enjeux économiques sont trop importants… Voici quelques photos que nous avons trouvé significatives dans le musée :
Un jeune tibétain au milieu des débris de sa maison |
Le pillage des ressources du Tibet par la Chine |
Un petit tibétain que l'on déguise en Chinois... |
La traversée de l'Himalaya pour 250 000 réfugiés tibétains |
Cette tibétaine risque la mort en brandissant une photo du Dalai-Lama |
Vague de protestation de la part des moines brandissant le drapeau national tibétain |
Amritsar : après 7h de voyage plutôt chaotiques, nous découvrons la ville d’Amritsar sous les eaux. En effet, il y a quasiment 20-30 cm d’eau dans de nombreux quartiers de la ville, c’est la saison des pluies et cette dernière a semblé élire domicile pour quelques temps à Amritsar. Cependant, ça n’enlève rien à l’activité frénétique et au brouhaha constant de cette ville (en particulier les concertos des klaxons incessants et insistants), rien de bien attirant après les contrées tibétaines paisibles du nord. Ah, si j’avais un rêve, un Inde sans klaxon !! Je vous passe bien entendu la saleté et les odeurs nauséabondes, partie intégrante de ce pays. Nous avons un peu de mal à trouver un hôtel, le premier, écoutez-bien, nous proposait des chambres chères mais avec draps sales et les détritus des précédents clients laissés sur place, et cela sans le moindre scrupule, incroyable non ? Mais on s’habitue à tout, petit à petit, comme à vivre au milieu des détritus… Enfin il n’empêche que pour se nettoyer en profondeur (nécessité partagée très régulièrement), rien de tel qu’une éponge Spontex en guise de gommage ! ça manque de tendresse, ce n’est pas très agréable, mais ça enlève la crasse ! Passons nos conditions d’arrivée et concentrons-nous sur nos découvertes, le pays des Sikhs.
Quelques mots sur la région déjà, nous sommes dans la province de Punjab, petit état de 24 millions d’habitants, le grenier à blé de l’Inde en produisant 20% de la production nationale. C’est une des provinces phares dans la partition entre Inde et Pakistan en 1947. D’ailleurs pour la petite anecdote, pour asseoir cette nouvelle province « tampon » entre Inde et Pakistan, Nehru fit à l’époque construire la capitale de Chandigarh, et trêve de hasard, c’est l’architecte français, le Corbusier (pour les marseillais, c’est l’homme de la Radieuse, sur Michelet), qui dessina cette ville.
Concernant les sikhs, une petite introduction : fondé à la fin du 15ème siècle en réaction au système de castes hindoues, le sikhisme est une religion monothéiste qui refuse les idoles même si elle reconnait les enseignements en particulier de 10 gourous (des hommes comme monsieur tout le monde, qui ont vécu et se sont distingués par une vie exemplaire). Les sikhs croient en la réincarnation et encouragent une vie très pure et stricte sans alcool, tabac ni drogue, une vie de travail et de partage où l’égalité de tous les êtres est au cœur du fonctionnement sikh. D’autre part, ils préconisent la méditation pour atteindre l’éveil. Au-delà des principes, ce peuple fascine par sa beauté, et en particulier l’élégance des hommes : ils sont grands, élancés, couverts d’un turban de différentes couleurs avec soit une tunique blanche allongeant leurs silhouettes soit à l’occidentale avec une chemise assortie aux couleurs chatoyantes de leurs turbans. Il est de coutume de ne se tailler cheveux ni barbe, ces derniers étant symbole de sainteté.
Au-delà de leur physique, nous avons eu la chance de découvrir l’un des symboles de leur religion, le Temple d’or d’Amritsar, le sanctuaire le plus sacré du sikhisme. C’est une construction qui s’inspire des styles hindous et musulmans (la frontière avec le Pakistan est à 30km), constitué d’un immense déambulatoire blanc extérieur, tel un gigantesque cloitre avec en son centre un bassin d’eau sacrée puis un temple d’or au milieu du lac artificiel fait de plus de 750kg d’or. Les descriptions sont tellement restrictives, que je vous laisse apprécier les photos, à différents temps de la journée pour juger de la beauté de ce lieu.
Au-delà du « physique de la structure », c’est également l’ambiance qui séduit : ce temple est un havre de sérénité, de générosité (tout est gratuit, de l’entrée au repas en passant par les consignes), de respect et de propreté, contrastant avec le reste de la ville. On passerait des journées entières dans ce temple serein, malgré une activité religieuse intense. En effet, ce temple vit et accueille en continu des milliers de pèlerins, pour preuve chaque jour sont servis quelques 80 000 repas (un Stade de France rempli à bloc !!). Les pèlerins se recueillent, font des offrandes, dorment, discutent, prient, mangent et tout cela dans une harmonie parfaite. Pour finaliser le tout, des prêtes lisent en permanence le livre saint des sikhs et leurs chants sont transmis par haut parleur à l’ensemble de la structure. C’est de toute beauté à tout point du vue : visuel, auditif et spirituel et l’on prend plaisir à se mêler à la masse des fidèles, qui vous accueillent très gentiment (bon bien sûr avec quelques photos, mais toujours de façon sympathique et non insistante).
Donc cette petite introduction au sikhisme a été très intéressante et magnifique, plus on avance plus on découvre la diversité indienne, incroyable. Par contre, petit bémol, tout ce beau monde ne vit bien entendu pas dans le pays des bisounours et des tensions intercommunautaires existent, comme entre hindous et sikhs, d’ailleurs pour la petite histoire, en 1984, Indira Gandhi eut la mauvaise idée de vouloir réprimer une vague d’autonomie en expulsant des sikhs réfugiés dans le temple d’or. Résultat, elle fut assassinée la même année par deux de ses gardes du corps sikhs. Ils revendiquaient l’indépendance de leur état, le Khalistan.
Haridwar : nous avons quitté la région des sikhs pour retrouver les sources du Gange et la religion hindoue. Le Gange, l’un des 7 fleuves sacrés d’Inde, sort précisément à cet endroit de l’Himalaya et pénètre dans les plaines. Quant à Haridwar, elle est l’une des 7 villes saintes d’Inde car selon la légende, Vishnu, le Dieu protecteur (celui qui protège et préserve tout ce qui est bon dans l’univers) aurait fait tomber à cet endroit précis un nectar céleste et le sol aurait épousé l’empreinte de son pied, « l’empreinte de Dieu ». Voilà pourquoi l’on dit que le Gange coulerait des pieds de Vishnu. Voilà pour le volet historique.
La foule amassée en journée pour se laver de ses péchés dans le Gange |
Vue du Gange tout droit sorti de l'Himalaya |
Vue de la ville sainte d'Haridwar |
En pratique, cette ville est le centre d’un tourisme religieux incroyable voire hallucinant, qui est témoin d’un flux constant et massif de pèlerins dans un brouhaha difficile à supporter, un mélange de couleurs et d’odeurs. Les pèlerins viennent pour 2 raisons : se laver de leurs péchés dans le Gange et faire une bonne action en donnant de l’argent aux institutions religieuses. Concrètement, d’innombrables pèlerins viennent se baigner en continu dans le cours rapide du Gange, ça semble même dangereux mais ces derniers s’accrochent à des chaines pour ne pas être emportés et s’immerger, genre d’abutions pour se laver de leurs pêchés. Vient ensuite le soir où tous se rassemblent, de façon très disciplinée d’ailleurs, même si ça semble un peu confus dans un premier temps. Difficile de dire combien sont-ils chaque soir, mais des dizaines de milliers….à la tombée de la nuit, ils déposent des offrandes sur le Gange, qui s’illumine de flammes vacillantes. Les offrandes ressemblent à des petits bateaux en feuille de bananes avec des pétales de fleurs à l’intérieur et une petite bougie, c’est la cérémonie de l’adoration du fleuve. Des agents en uniforme collectent les dons en échange d’un reçu que le pèlerin conserve précieusement, comme preuve de son passage dans cette ville sainte.
L’ambiance et la ferveur religieuse sont très fortes et particulières et l’on ne peut rester insensible, c’est vraiment impressionnant. On dit que c’est le petit Bénares, la différence est qu’à Bénarès, les gens viennent pour se laver de leurs pêchés ou pour la crémation de leurs proches (c’est pour ce rite là que la ville est célèbre). Pour vivre cet évènement très particulier, nous avions choisi un hôtel sur le Gange, l’expérience était unique et vraiment saisissante, cependant, difficile de rester des jours, le monde et l’animation, reste difficile à supporter…
Et plouff dans le Gange ! |
La foule est amassée autour du Gange |
Un couple assurant l'hommage au fleuve |
Enfin petite parenthèse culture, nous avons découvert le principe des ashrams, littéralement « lieu d’effort » : c’est un lieu de vie communautaire construit généralement autour d’un gourou ou guide spirituel. Les codes de conduite sont variables (code vestimentaire, pratique du yoga et de la méditation, abstinence, absence de drogues, végétarien) mais souvent assez stricts afin de « s’enrichir sur les plans personnel et spirituel ». Personnellement, nous n’étions pas tentés par l’expérience, mais de nombreux touristes étrangers se lancent dans l’aventure spirituelle comme les Beatles en 1968 qui rendirent célèbre une ville, aujourd’hui soit disant capitale mondiale du yoga, à deux pas d’Haridwar, Rishikesh. Et aussi étrange que cela puissent paraitre, peu d’échanges entre occidentaux et hindous, dans ces 2 villes hautement reconnus pour chacun d’eux…
Voilà notre marathon de 3 villes en 1 semaine qui se termine, très très riche mais aussi éprouvant, nous décidons alors de rejoindre Agra pour rêver un peu et découvrir les splendeurs du Taj-Mahal…
Je ratttape un peu de mon retard a suivre votre aventure... Quel regal! Merci de nous en faire profiter avec tant de style!!! ;)
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