2ème partie du voyage, à la rencontre de la campagne birmane. Pour cela, nous sommes tout d’abord partis vers le nord, sur les territoires Shan, au niveau de la ville de Hispaw. Les Shans représentent 9% de la population et constituent la 1ère population après les Bamars. Ils ont une forte empreinte chinoise, du fait de leurs origines mais aussi de la venue de chinois suite à la seconde guerre mondiale ainsi qu’à la révolution culturelle. Les Shans ont combattu longtemps les Bamars, encore aujourd’hui, il existe une armée locale en guerre contre le gouvernement. Par voie de conséquence, cette région ne fut ouverte aux touristes qu’en 1996.
Sur place, nous n’avons pu faire de trekking cependant, nous avons loué une mobylette ce qui nous permis de visiter les alentours, sous les yeux intrigués et amusés des locaux qui vivent au rythme du temps et attendaient patiemment le début de la saison des pluies qui se faisait attendre… Nous avons découvert des sources d’eaux chaudes, de belles cascades ainsi que de paisibles paysages de rizières et de moyenne montagne où les agriculteurs font de la culture sur brulis au détriment de magnifiques arbres et bambous. La déforestation est un problème important en Birmanie, l’une des plus importantes de la planète.
Nous sommes également allés à la rencontre de villages palaung, communauté pacifiste très isolée n’attendant rien du gouvernement et cherchant la tranquillité. A chaque rencontre, le même scénario, des gens au premier contact assez timides, puis très souriants et amusés par notre venue. Profitons de l’occasion pour revenir sur la richesse et la diversité démographique : sur 47 millions d’habitants, la Birmanie compte 135 groupes ethniques distincts même si 8 nationalités ont été officiellement reconnues : Bamar, Shan, Môn, Karen, Kayah, Chin, Kachin et Rakkhaing. Ce territoire a été fortement convoité donc de multiples vagues de colonisation se sont suivies créant cette mosaïque de peuples aux inspirations chinoise, thaïlandaise et indienne. La topographie du pays ainsi que l’isolement imposé par la junte, ont contribué à séparer les différentes ethnies voire aussi à attiser les tensions culturelles même si toutes se retrouvent contre la suprématie des Bamars au gouvernement. Au final, impossible de dresser le portait typique d’un birman, tant les inspirations sont déroutantes. Retour à notre périple…
|
Le pilote blanc des colines de Hispaw |
|
Un petit bouddha bien mignon |
|
Village typique local |
|
Illustration de la culture sur brûlis |
Cette riche campagne nous a régalés, dégustant les fruits locaux comme l’orange, l’ananas et les mangues, découvrant de magnifiques étalages de légumes au marché et dégustant de bons plats dans la rue. De façon plus générale, la nourriture birmane est très bonne principalement à base de riz, noddle et de currys de toutes sortes toujours avec beaucoup d’herbes et d’aromates locaux. Par contre, c’est toujours très riche et surtout gras, les birmans sont friands de beignets de toutes sortes (bananes, œufs, samosa, fruits de la mer, légumes, purée de pois chiche…), donc pas très bon pour la Julie qui a souffert quelques fois de l’estomac. La dernière grande caractéristique est le sac plastique, tout est mis en sac prêt à emporter, mais du soda à la paille, à la soupe en passant par les noddles frits. Et bien entendu, le sac fini par être balancé dans la nature, le respect de l’environnement et le tri sélectif, ne sont pas encore à l’ordre du jour… Mais il est l’heure de revenir à notre récit….
|
Exemples d'étalage sur le marché |
|
Beaucoup de vert, de légumes, pour le grand bonheur de Nicoco |
|
Un exemple de restaurants de rue, ici c'est barbecue party ! |
|
Nicoco a failli se lancer dans le commerce de Mangues.... |
Enfin une autre rencontre importante, fut celle que nous avons faite avec une équipe projet chinoise à notre hôtel : nous avons alors appris que la Chine et la Birmanie avait signé un projet de double pipeline (gaz et pétrole) qui traversera la Birmanie pour ainsi connecter Inde et Chine et pouvoir consommer les richesses birmanes. Par contre, aucune embauche birmane et aucune clause de rétrocession… ce projet pharaonique est un cas d’école sur le fonctionnement économique du pays : d’une part, les richesses se font piller par les 2 sœurs voisines (Chine et Inde), tel un colonialisme moderne, d’autre part, l’argent récupéré ne profite qu’au gouvernement puisque le peuple n’en verra jamais les fruits (argent, ressources, travail). Et c’est comme cela que la junte fonctionne avec les richesses nationales, comme le teck (75% des réserves mondiales), l’héroïne (le pays étant le deuxième producteur mondial en dérivés opiacés) et bien d’autres…
Après ces découvertes concrètes du système économique, nous embarquons en bus vers Kalaw plus au Sud, point de départ d’un trekking à destination du lac Inle. Et nous sommes dans l’obligation de faire une pause pour vous raconter l’épopée bus jusqu’à Kalaw. En voici les principales caractéristiques : la TV à plein tube et en continu aux rythmes des chansons ou films birmans niais ; pas de climatisation donc fenêtres ouvertes pour avoir une arrivée directe sur la poussière de la route en terre ; une chaleur suffocante surtout quand vous avez les sièges du fond, le dos collé au moteur ; 32 places officielles mais avec des tabourets dans les allées pour optimiser ; remise de sacs pour vomir dès l’entrée du bus, systématiquement utilisés par des voisins birmans qui vomissent très silencieusement et sans odeur (Merci les amis !) ; dernier détail, ayant pris les derniers billets disponibles, nous nous sommes retrouvés sur une planche en bois à partager à 3, qui bien entendu glissait, donc avec nos voisins, tel un ballet silencieux, nous nous levions à l’unisson pour remettre en place ladite la planche et je vous passe les douleurs au postérieur bien entendu ! Un voyage terrible sur une route sinueuse arrivant à destination à 4h du matin après 13h de bus, mais nous apprendrons plus tard, que ce ne fut pas le pire de Birmanie…
Dès le surlendemain, nous partons en trekking avec un guide, Jimmy, un cuisinier, Sowe et accompagné de Rob, un australien sympathique retrouvé par hasard après l’avoir rencontré à Yangon. Malheureusement, la première journée fut tellement pluvieuse et le terrain glissant que nous avons du changer nos plans et ne pas aller au lac Inle à pied. Petite déception mais étant donné l’état de ma cheville, c’était la première vraie randonnée, c’est un mal pour un bien. Et puis belle consolation, les villages sont en effervescence du fait de ces premières pluies, il est temps de labourer avec les buffles d’eau, puis de semer, le riz principalement…Encore une fois, la terre est très riche et rouge, la nature très belle et verdoyante. Nous traversons plusieurs villages népalais (arrivés à l’époque britannique pour construire routes et chemin de fer), Danu et Pa-o, dormons chez l’habitant puis dans un monastère. L’accueil est toujours très agréable, convivial et au rythme du Bouddha, auprès de qui nous dormirons les deux nuits (petit sanctuaire dédié avec offrandes, bougies et encens). Les nuits sont d’ailleurs agitées par la venue intempestive de bestioles volantes dont des moustiques, par l’inconfort du lit (enfin de la natte posée à terre) et par les réveils matinaux (du fait des moines ou de nos départs matinaux). Parmi les temps forts de nos rencontres, pour Nicolas ce fut ses échanges avec un homme, le médecin pharmacien du village, concoctant ses médicaments naturellement. Pour Julie, ce fut le rituel des bracelets du voyage partagé avec une dizaine de femmes et enfants (bracelet orange crée en France avec sentence tibétaine « Le voyage est un retour à l’essentiel »). Enfin, au-delà de la marche, du coup assez réduite, nous avons fait l’expérience du train birman (lent, inconfortable, bondé), avec à chaque arrêt des vendeurs ambulants et du transport de denrées alimentaires : un vrai folklore où nous faisions office de bêtes de cirque. Ces 3 jours furent donc au final bien agréables, les repas délicieux et les échanges intéressants. En particulier avec notre collègue australien Rob, qui nous donna un éclairage précis sur le bouddhisme et une introduction à la méditation. Petite déception cependant pour le guide, de piètre qualité, cyclothymique et surtout très fatigué. Nous apprendrons plus tard qu’il est atteint du sida depuis quelques années déjà et qu’à l’époque, il était reconnu de tout pour son travail. Triste découverte.
|
Nicoco en admiration devant une Amaranthe |
|
Nicoco et son pote le magicien aux poudres de Perlinpinpin |
|
Julie et le rituel du ruban 1 |
|
Julie et le rituel du ruban 2 |
|
Paysages de rizières à l'heure des premières pluies |
|
La saison des pluies ouvre le début des semences de riz |
|
Préparation de la terre avec les buffles d'eau |
Profitons-en pour revenir un instant sur la religion : 89% des Birmans sont bouddhistes (le reste étant musulmans 4%, chrétiens 4%, hindouistes 1,5% et animistes 1%). On pratique en Birmanie le Bouddhisme theravada ou bouddhisme du Petit Véhicule, qui défend que le Bouddha n’est pas un dieu mais un simple mortel qui a atteint l’éveil : plus proche de la philosophie que de la religion, cette doctrine sans divinité prêche une discipline personnelle, qui par « l’accumulation de mérites », aidera l’individu à renaitre dans une existence meilleure (croyance en la réincarnation), à se diriger vers le chemin de l’Eveil et petit à petit vers le Nirvana, extinction du cycle des réincarnations. A partir de là, il est essentiel de vous présenter quelques préceptes : selon Bouddha, l’existence est une satisfaction impossible du fait du « désir égoïste » (le bonheur est temporaire, vide et non satisfaisant) et lorsque l’homme renonce à ce désir, il atteint un état de parfaite sagesse. Or pour cela, il doit se tourner vers l’intérieur, et maitriser son esprit en pratiquant la méditation. Dans la vie quotidienne, les birmans cherchent à gagner une vie meilleure en nourrissant les moines, faisant des offrandes aux temples et en pratiquant leurs dévotions dans les payas (temples locaux). Fin de la parenthèse et retour sur notre périple.
Nous sommes finalement arrivés au lac où nous passèrent deux très belles journées. Commençons par décrire ce qu’est le lac Inle : long de 22km et large jusqu’à 11km, cette étendue d’eau paisible se situe entre des collines verdoyantes et des sommets plus arides, c’est l’un des paysages les plus féeriques du pays de part son côté paisible et son immensité. C’est la tribu Intha qui peuple ce lieu : asservie par les Shans, les Inthas furent déportés sur le lac Inle. Ils entreprirent alors de bâtir de véritables îles artificielles. Découpant de larges bandes de terre entremêlées de végétation, ils les trainèrent sur l’eau, où elles flottent, amarrées au fond du lac avec de longs troncs de bambous. Sur ces digues peuvent ainsi naitre une maison sur pilotis mais aussi des cultures flottantes, qui font la spécialité, avec la pêche, du lac. Autant dire que la frontière entre terre, marécage et lac est floue. Le seul moyen de navigation est bien entendu le bateau, à fond plat traditionnel ou à moteur.
Les petits villages sur le lac sont autant de petits « Venise », avec leurs maisons traditionnelles sur pilotis, leurs « gondoles » et leurs petits ponts. La vie du lac suit le rythme des cultures, de la pêche, de manufactures locales (tissu, cigares, ombrelles) et du tourisme. En ce qui concerne la pêche, c’est un spectacle acrobatique que nous offrent les pêcheurs en pagayant avec le pied ; concernant les cultures, les jardins flottants font pousser fleurs, tomates, courges et autres fruits et légumes. Concernant le tourisme, ce fut l’un des premiers sites touristiques ouverts en Birmanie. Dans les années 1990, le régime était en faillite et à ouvert petit à petit le pays, décrétant en 1996, l’année du tourisme en Birmanie. A ce moment là et encore aujourd’hui, 2 positions bien tranchées : pour ou contre le tourisme ? Car qu’on le veuille ou non, la junte tenant l’économie, en dépensant en Birmanie, le touriste accepte de financer la junte. Cependant, isoler un pays du regard international n’est guerre mieux. Ajouter à cela le fait que pour bâtir les infrastructures touristiques, le gouvernement a fait appel au travail forcé et le choix finit par être autant militant de cornélien pour venir faire du tourisme au Myanmar. Cependant pour information, la situation a évolué et on évalue que le touriste moyen dépense 80% dans des structures privées. De notre côté, à notre connaissance nous aurons « financer la junte à hauteur de » 230 $ (vol interne + tickets d’entrées dans des sites archéologiques+ visas + taxe de sortie du territoire). Fermons cette parenthèse et revenons à notre majestueux lac Inle.
Résidant au bord du lac, dans la ville de Nyuangshwe, nous nous sommes régalés car les rencontres furent très riches et nombreuses, les locaux encore plus accueillants que d’habitude (pourtant les touristes sont théoriquement plus nombreux, même si nous sommes actuellement en période creuse). Permettez-nous de vous décrire quelques unes de nos plus riches rencontres : Nicolas a partagé une partie de football traditionnel avec des jeunes locaux (jeu nommé chinlon, sorte de tennis ballon à l’aide d’une balle de rotin tressée); nous avons retrouvé plusieurs soirs des jeunes chantant aux sons de leurs guitares sous la nuit étoilée (reprise de chansons internationales traduites en birman) ; enfin une rencontre fortuite, celle d’un chauffeur de calèche qui tracta notre mobylette dont la roue avait crevé. En effet, nous avons loué une petite mob (ça devient une habitude) pour partir visiter les alentours du lac, journée fort sympathique car hors des sentiers battus touristiques. Cependant la mob était pourri, le loueur nous a même laissé son numéro de téléphone, tellement qu’il avait confiance en son engin… au final au-delà de la difficulté de démarrer, Nicoco s’en est sorti comme un chef, et Julie se chargeait de faire klaxon et clignotants ! Cependant, sur la route du retour, une crevaison. Par miracle un chauffeur de calèche s’arrête et tracte le scooter sous les regards amusés des locaux mais aussi de Julie. Donc une aventure bien rigolote qui nous a permis de tester la solidarité locale !
|
villages sur pilotis, les Venise locaux |
|
une manufacture de cigares |
|
discussion entre pêcheurs sur le lac Inle |
|
Ballade en ombrelles sur le lac |
|
jardins flottants |
Avant de conclure sur le lac Inle, nous voulions nous arrêter quelques instants sur le sort des célèbres « femmes girafes », présentes dans la région (petit message pour Martine, la maman de Nicoco, « c’est un paragraphe spécialement pour vous ! »): l’ethnie Padaung dont sont originaires ces femmes, habitent au sud du lac Inle près de la frontière thaïlandaise. A l’origine, la pause de ces anneaux servait à rendre les femmes moins belles aux yeux des communautés voisines. La pause de ces lourds anneaux entraine la déformation de la clavicule et des côtes supérieures en repoussant les épaules vers le bas. Or aujourd’hui, elles sont devenues de vraies bêtes de foire et la pause de ces anneaux est à des fins commerciales. De nombreuses femmes girafes sont emmenées en Thaïlande, gardées en quasi esclavage pour être montrées aux touristes. Nous en avons fait d’ailleurs la triste expérience dans une échoppe du lac, et Nicoco a décidé de boycotter cette rencontre pour ne pas cautionner cette traite.